Dissonance cognitive
En psychologie sociale, la dissonance
cognitive est
une théorie selon laquelle une personne qui se trouve confrontée
simultanément à des informations, opinions, comportements ou croyances qui
la concernent directement et qui sont incompatibles
entre elles, ressent un état de tension désagréable.
Exemple : croire à la fin du monde tel jour et constater que rien ne se
passe ce jour-là. Cet état, dit de "dissonance cognitive" qui se situe au
niveau psychique, conduit la personne à développer des stratégies
inconscientes ayant pour but de réduire la dissonance et de se rapprocher de
l'état inverse dit de "consonance
positive".
Cette théorie a été établie par en 1957 par le psychosociologue américain Leon
Festinger (1919-1989)
pour expliquer comment l'être humain gère les tensions provoquées par des
éléments incompatibles.
La réduction de la dissonance cognitive consiste, par exemple, en une modification
des croyances,
des opinions ou des attitudes pour les mettre en phase avec l'information
qui était contradictoire (processus de rationalisation).
Dans le domaine de la religion, c'est le cas du concordisme,
attitude qui consiste à rapprocher le dogme religieux de la science. A
chaque grande découverte scientifique, les concordistes tentent de faire
coïncider à tout prix les textes sacrés avec la science. La recherche de
cohérence de la religion avec la science s'opère par de nouvelles
interprétations des Ecritures, le manque de précision de celles-ci étant
attribué à l'état pré-scientifique de ceux qui les ont rédigées.
La réduction de la dissonance cognitive peut prendre d'autres formes que la
rationalisation :
- Ajouter des éléments consonants permettant de justifier le
comportement dissonant.
- Réinterpréter le réel pour faire en sorte que les croyances restent
intactes.
- Minimiser l'importance des éléments dissonants.
- Faire comme si l'un des évènements dissonants n'avait pas existé,
les oublier.
- Modifier l'un des éléments dissonants comme par exemple changer de
comportement ou d'attitude.
Le concept de dissonance cognitive est lié au fait qu'il est plus difficile
pour un individu de corriger des idées acquises depuis longtemps que
d'apprendre des idées nouvelles pour lesquelles il ne dispose pas encore
d'un modèle ou d'un système de représentation. C'est la raison pour laquelle
l'"éducation" des enfants revêt autant d'importance pour les religions, pour
les régimes politiques totalitaires et même pour les grandes marques de
produits de consommation.
"Plus un
apprentissage a été difficile, malaisé, douloureux ou même humiliant,
moins l'individu est prêt à remettre en cause la valeur de ce qui lui a
été enseigné. Cela signifierait en effet qu'il a investi et souffert
pour rien."
Gregory Bateson, anthropologue, psychologue,
épistémologue américain (1904-1980)
Les croyances qui sont partagées par une communauté deviennent des vérités
qui ne peuvent être remises en question et ne peuvent donc plus être
discutées. Lorsque des faits vont à l'encontre de ces croyances, il est
contreproductif et même parfois risqué de les combattre directement. Il est
plus efficace d'engager un dialogue permettant un questionnement, puis une
prise de conscience, que de provoquer sciemment une dissonance cognitive
chez un interlocuteur.
Exemple en politique :
- Les partisans d'un homme politique dont on dénonce des pratiques
malhonnêtes ne les croient pas et remettent en cause la bonne foi et
l'honnêteté de ceux qui les révèlent. Parfois, ils se censurent
mentalement et font comme si les révélations n'avaient jamais existé.
Exemple en médecine :
- L'effet
placebo serait une conséquence d'un état de dissonance
cognitive dans lequel entrerait un patient qui s'investit dans un
traitement coûteux ou douloureux et dont il ne ressent pas d'effet
bénéfique. Refusant que son investissement personnel soit totalement
inutile, le patient recherchera en lui des signes de l'amélioration de
sa santé, afin de réduire la dissonance. Il peut même guérir s'il y a
une composante psychologique importante dans sa maladie.
Exemple en poésie :
- Dans la fable de Jean de la Fontaine, "Le renard et
les raisins", le renard, ne pouvant atteindre les raisins pour
satisfaire sa faim, réinterprète la réalité en concluant que,
finalement, les raisins ne lui conviennent pas car ils ne sont pas mûrs.
Certain
Renard Gascon, d'autres disent Normand,
Mourant presque de faim,
vit au haut d'une treille
Des Raisins mûrs apparemment,
Et
couverts d'une peau vermeille.
Le galand en eût fait volontiers
un repas ;
Mais comme il n'y pouvait atteindre :
"Ils sont
trop verts, dit-il, et bons pour des goujats. "
Fit-il pas mieux
que de se plaindre ?
Exemple en superstition :
- Une maîtresse de maison prépare un repas entre amis. Elle est
superstitieuse et croit qu'être treize à table portera malheur à l'un
des convives qui mourra dans l'année. Elle a invité quinze personnes,
mais deux d'entre elles se sont désistées au dernier moment. Entrant en
"dissonance cognitive", elle doit agir pour réduire son état de tension.
Exemples : inviter deux personnes supplémentaires, demander à l'un des
convives de rentrer chez lui, demander à pouvoir manger seule dans la
cuisine,...
>>> Citation :
"Face au
réel, ce qu'on croit savoir clairement offusque ce qu'on devrait
savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit
n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l'âge de ses
préjugés."
Gaston Bachelard - 1884-1962 - La Formation de
l'esprit scientifique, 1938
>>> Proverbe, dicton, maxime ou expression proche dans la
signification :
"Il n'est
pire sourd que celui qui ne veut pas entendre."
>>> Sources